Créativité

En général, la créativité se réfère à une action qui se caractérise par une série de capacités, telles que la mémorisation des connaissances et leur actualisation, ainsi que la « pensée divergente ». Plus précisément, Weisberg décrit la créativité comme un foisonnement d’idées, une grande originalité de ces dernières, une adaptabilité et une capacité à trouver des solutions originales à un problème (Weisberg, 1989, p. 79-82). En musique, on se réfère à la créativité comme action créative, c’est-à-dire action productive et transformatrice (Venus, 1969; Lemmermann, 1977; Brandstätter, 2013) (par exemple composition, improvisation, organisation, peinture de la musique). Les débats récents mettent également l’accent sur la créativité collaborative, à côté de la créativité individuelle (Burnard, 2012a, p. 5f.), ainsi que sur la créativité musicale en tant que pratique (Burnard, 2012b). Ce qui est considéré comme artistique et créatif est soumis à l’évaluation sociale (Csikszentmihalyi, 2010). Les critères auxquels l’on se réfère souvent, incluent la nouveauté, l’originalité et la pertinence. Cependant, les points de vue divergent sur la façon de déterminer ces critères. Le modèle de créativité de Mihaly Csikszentmihalyi (1999) est particulièrement convaincant à ce sujet :

Le fait qu’un objet soit ou non considéré comme créatif dépend du cadre contextuel de références, c’est-à-dire des règles et des pratiques d’une « culture », des traits de personnalité et de l’expertise d’un « individu », ainsi que des normes et du pouvoir d’achat de la « société » (experts) (Bullerjahn, 2005, p. 601). Les éléments du « triangle créatif » sont interdépendants, c’est-à-dire qu’ils interagissent les uns avec les autres et sous-tendent les changements (voir aussi Lubart, 2003, page 13)

Conditions du processus créatif

Comment fonctionnent les processus créatifs ? Dès les années 1910 et 1920, Poincaré (1913) et Wallas (1926) ont essayé de contrecarrer le concept romantique de génie et d’aborder le processus créatif de manière rationnelle. Ils ont élaboré le modèle sous forme de phases suivant (voir Sternberg, 1999) :

La rétroaction, les tours et les détours, le tâtonnement ou les cheminemenst parallèles jouent un rôle important en particulier dans le cas de l’illumination (Preisler, 1976).

Créativité individuelle et collective (voir ou se connecter à l’esprit d’entreprise)

Dans la recherche sur la créativité, l’accent est principalement mis sur la créativité individuelle, en particulier en musique (composition et improvisation).  En milieu scolaire, cependant, l’improvisation et la composition collective jouent un rôle important (Burow, 1998, l’a par exemple démontré à partir de l’approche des Beatles). Les chercheurs en management Bennis et Biederman (1996) ont mené des recherches sur la performance des groupes. Leurs conclusions sont les suivantes : « Chaque fois que de véritables percées ont été faites dans ces groupes, un « leader », capable de porter une vision fascinante, hors du commun et significative et d’y mener les autres a émergé ». (9) On ne peut affirmer catégoriquement que la créativité est égale à l’art. Là encore, il est nécessaire de prendre en considération le contexte culturel et les réponses doivent être apportées au cas par cas. Notre projet traite principalement du développement de la créativité, mais vise également à déclencher une prise de conscience de ce que sont la pensée et l’action artistique et à les diffuser.

Promotion de la créativité en général

Promouvoir la créativité dans le domaine musical conduit à promouvoir la créativité en général, et l’esprit d’entreprise (Rouillan, 2010). Il n’existe aucune controverse sur de tels effets de transfert (Vitouch & al., 2009). Des recherches récentes sur de jeunes enfants montrent que la créativité est à la fois propre à chaque domaine et un phénomène à la croisée de ceux-ci. Ce qui nous amène à conclure qu’il faut à la fois promouvoir de manière générale les schémas comportementaux et les compétences qui favorisent l’action et la pensée créative, ainsi que les compétences relatives à un domaine spécifique (Barrett, 2012 p. 56f).

Caractéristiques de la promotion de la créativité à l’école

Différents types d’évaluations ont été réalisés au cours du projet. Un test « avant » – « après » à l’aide du test de créativité pour enfants d’âge préscolaire et scolaire (KVS-P) a été réalisé à l’école allemande à partir de deux caractéristiques de la créativité : la liquidité des idées (« définie comme le nombre total de solutions exprimées de manière kinesthésique, graphiquement et / ou verbalement », Krampen et al., 1996, page 21), ainsi que la souplesse des idées (« définie comme la diversité des solutions exprimées de  manière kinesthésique, graphiquement et / ou verbalement », ibid., P 21). Les résultats montrent des différences statistiquement significatives entre la première et la deuxième date de l’enquête (juillet 2015 et juin 2016) en ce qui concerne la liquidité des idées pour trois et quatre élèves, respectivement, sur un nombre total de treize. En ce qui a trait à la souplesse des idées, il a été noté une différence statistiquement significative entre les deux dates de l’enquête pour un seul élève. Les résultats doivent, cependant, être étudiés à l’aune de l’âge et des effets sur le milieu. Il faut aussi garder à l’esprit que le test remonte à 1996. Toutefois, les expériences menées sur les élèves et les étudiants suggèrent que stimuler la créativité lors des leçons de musique a un effet positif sur la créativité en général.  Les évaluations effectuées au cours de deux activités, mêlant enseignement et apprentissage et d’une durée d’une semaine semblent également confirmer cette hypothèse. En outre, d’autres résultats montrent que les activités créatives pendant les cours de musique amplifient et intensifient les émotions qui, à leur tour, « influencent les capacités d’apprentissage via une mobilisation des ressources cognitives, des stratégies d’apprentissage et d’autorégulation, ainsi que de la motivation » (Frenzel & Stephens, 2011, P. 52).

Créativité en salle de classe

L’objectif du projet Musik kreativ + est de promouvoir la créativité dans le domaine musical, ainsi que la créativité de manière générale. En supposant que chaque personne possède des capacités musicales et créatives (Burnard, 2013), se pose la question de savoir comment l’école peut contribuer à développer ces capacités et quelles sont les conditions à réunir pour encourager le processus créatif.

La liberté et l’espace sont deux aspects essentiels de promotion de la créativité (Pagany, 2000). La possibilité de penser et d’agir librement. Elle nécessite du temps, afin d’être ouvert à l’exploration ou la ré-exploration, seul, ou en groupes (Serve, 1994). Il faut laisser le temps aux élèves de résoudre les tâches qui leur sont confiées, en particulier lors d’un travail individuel.

La créativité a besoin de liberté pour s’exprimer spontanément et naturellement (Brodbeck, 2010). Dans le système ordonné des écoles où l’enseignement est planifié et structuré, liberté signifie aussi assouplissement des structures, découverte de nouvelles méthodes, expérimentation et réorganisation du désordre (Serve, 1994). Cela signifie dégager de l’espace et du temps pour faire des expériences et pour les assimiler, ainsi que pour laisser naître les formes d’expression individuelles et collectives qui en résultent. L’éducation musicale en particulier, ayant relativement peu de directives et de règles strictes permet cette liberté créative (Kaul, 2009). Afin de promouvoir le processus créatif dans la classe, trois aspects jouent un rôle essentiel (Odena, 2012) : l’environnement physique, l’environnement intellectuel et l’environnement émotionnel. L’environnement physique désigne l’agencement de la salle de classe elle-même, dans laquelle il faut pouvoir mettre en place le plus grand nombre d’activités possibles. Dans le projet, cela s’est concrétisé, par exemple, par la création d’espace, pour permettre le mouvement, par l’agencement spatial et la mise en scène des instruments, pour inciter les élèves à jouer et par la réorganisation de la répartition des places.

De plus, il existe une variété d’informations et de connaissances sur lesquelles s’appuyer pour déclencher le processus créatif. Le transfert de connaissances fait référence à l’environnement intellectuel, qui vise à stimuler la motivation des élèves pour l’exploration et à la défier (Serve, 1994). La connaissance de l’origine des instruments africains, de leur fabrication, des techniques de jeu qu’ils mobilisent et de leur « descendance » parmi les instruments de l’école, ainsi que la connaissance de la portée de la musique dans la société africaine, ont inspiré les élèves de l’équipe allemande, qui ont créé leurs propres techniques de jeu et leurs propres environnements rythmiques.

L’environnement émotionnel désigne l’atmosphère psychosociale de base. Une atmosphère de confiance, où acceptation et appréciation ont une bonne place est nécessaire pour encourager le processus créatif (Pagany, 2000). Cela signifie que les élèves doivent se sentir en sécurité lorsqu’ils prennent des risques, qu’ils essayent de nouvelles choses et ne doivent pas avoir peur de commettre des erreurs (Odena, 2012). Dans un environnement propice, les élèves sont plus enclins à sortir des sentiers battus (Serve, 1994).

Parmi les facteurs qui inhibent la créativité, on compte, par exemple, un environnement d’apprentissage (très) autoritaire, qui limite les possibilités de penser et d’agir (Seitz, 1994). La compulsion à la conformité, c’est-à-dire ne pas se distinguer, puis avoir peur de peut-être affronter l’échec, tout autant que l’hostilité envers les personnalités qui sont différentes (Seitz, 1994) restreignent la créativité (Serve, 1994). Personne n’aspire à être marginalisé. Le poids du succès à l’école et au sein de la société engendrent des pressions sur les élèves. Les enfants ont naturellement besoin de jouer et d’essayer les choses. Cependant, si l’environnement ne le permet pas, ou à peine, la motivation intrinsèque de l’enfant pour la créativité sera étouffée (Höhler, 1994).

Le rôle du professeur

Les enseignants jouent un rôle fondamental en ce qui concerne la promotion de la créativité. Ils créent le cadre d’apprentissage et sont ainsi les garants d’une atmosphère encourageant la créativité (Seitz, 1994, page 55). D’une part, les enseignants doivent posséder une connaissance approfondie des facteurs qui favorisent et inhibent la créativité dans les contextes d’apprentissage (Höhler, 1994, p. 92), d’autre part, ils doivent mener une réflexion sur leurs propres pensées et actions divergentes (Pagany 2000, p. 98). Ainsi, les enseignants deviennent des modèles pour les élèves, qui sont ainsi poussés à les imiter, par exemple en réexaminant les contenus d’apprentissage et en ouvrant des pistes de reflexion inédites (ibid.).

L’enseignant doit créer une atmosphère d’acceptation et d’appréciation qui permette aux élèves de recevoir régulièrement des encouragements, de sentir que leur travail est approuvé et de se sentir respectés et reconnus.

Créer prend du temps ! Les processus créatifs ne suivent pas nécessairement un plan préétabli, ils nécessitent de la patience et de la persévérance, non seulement de la part de l’enseignant, mais aussi de l’élève. Il est particulièrement essentiel de laisser le temps à chaque phase du processus créatif de se déployer. La question qui se pose lors d’une journée scolaire structurée et planifiée est de savoir si l’on prévoit un temps pour la phase d’incubation ou si l’on passe directement de la phase préparatoire à la phase d’illumination, avec l’obtention d’un résultat concret (Seitz, 1994). Les enseignants devront constamment faire preuve de souplesse et de patience.

Il est nécessaire de prendre en compte la singularité de chaque élève, plutôt que de chercher un  « progrès de groupe » (Höhler, 1994, p. 95). Ce qui signifie qu’il ne faut pas seulement encourager le développement de la créativité de l’élève, mais également celui de sa personnalité dans sa globalité (ibd., p. 97). Des chercheurs actuels, comme Pamela Burnard (2013) ont examiné le rôle de l’enseignant dans l’enseignement de la musique en ce qui concerne les divers processus de production et de reproduction créatifs et musicaux et, ont décrit les actions qu’il est possible de mettre en place. Dans ce contexte, il est souvent suggéré de mettre en place un apprentissage collaboratif, ce qui profite aux élèves, aux enseignants et à l’école (Burnard, 2013, p.3). Ainsi, l’élan créatif émerge moins de la supervision du travail que d’un accompagnement et d’un soutien co-constructifs des processus d’apprentissage de la musique. À maintes reprises, l’enseignant reprend les exemples tirés de l’imagination des élèves et leurs inventions et les intègre dans les leçons (Burnard, 2013, page 10). Ces exemples d’actions que peut entreprendre l’enseignant montrent que l’interaction collaborative entre les élèves et l’enseignant est cruciale pour promouvoir la créativité.

 

Références

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